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: Déterrage
Le déroulement du déterrage
Préparation de la sortie. Suivant le type d'animal chassé et l'avancée dans la saison, la « sortie » (c'est ainsi que nous appelons une journée ou demi-journée de chasse sous terre) sera prévue depuis quelques jours, c'est le cas souvent en début de saison où l'on va visiter les endroits détectés depuis quelque temps, ou bien elle sera un peu plus brusquée parce qu'imprévue, comme en fin de saison du renard quand on vient juste de découvrir une portée qui a commencé à sortir depuis quelques jours et qu'il faut intervenir rapidement. Ce dernier cas de figure est le plus fréquent pour nos sorties à l'extérieur de nos territoires de chasse habituels car les personnes qui surveillent ces territoires ont tendance à nous faire appel lorsqu'ils sont sûrs de leurs indices, pour ne pas nous faire déplacer pour rien, avec souvent le risque d'arriver trop tard. Le rendez-vous se fait en principe chez le maitre d'équipage. Là il faut charger les chiens, vérifier les outils et la réserve d'eau (tout cela tient dans la remorque fabriquée entièrement par le maitre d'équipage, ce qui veut dire qu'elle est très fonctionnelle et adaptée). (Plusieurs membres de l'équipage sont munis d'attelage remorque derrière leur véhicule.)
Arrivés sur les lieux du déterrage (il faut parfois cependant faire un peu de chemin à pieds avec les outils sur l'épaule et les chiens en laisse), une brève inspection nous permet de vérifier l'opportunité de l'attaque par le type d'animal que nous risquons de rencontrer (il peut arriver que l'on nous appelle pour un déterrage de renards alors qu'en arrivant sur les lieux nous constatons que manifestement nous avons affaire à des blaireaux et là, si nous sommes en dehors de la période autorisée, pas question de continuer.). Si par contre tout indique que nous pouvons poursuivre, nous essayons tout d'abord d'éclaircir un peu le terrain en ôtant les ronces et saletés qui peuvent couvrir la garenne, empêchant l'accès et la surveillance des trous. Il ne faut pas oublier que si un chien attaque sous terre, pour suivre l'évolution de sa chasse et l'aider en creusant, il faudra de toute façon nettoyer les épines auparavant, alors autant le faire tout de suite. C'est d'ailleurs la période qui paraît la plus longue aux yeux des néophytes qui viennent nous voir évoluer, car pour eux rien ne nous empêcherait de mettre les chiens dès le début. Il faut dire que nous avons, un certain temps fait de la sorte, c'est-à-dire essayé de remuer le moins possible les abords avant de mettre les chiens à l'attaque de nichées de renards. Cela évitait sans doute que les renardeaux ne se retranchent trop au fond avant que les chiens n'entrent et nous a sans doute aidé quand nos chiens n'étaient pas assez fins de nez ou pas assez chercheurs. Nous avons changé de façon de faire depuis que nous avons quelques chiens capables d'aller inspecter au plus profond. (Il nous arrive cependant encore parfois d'attaquer sans préparer, ou bien au minimum, quand l'heure nous y oblige -après avoir chassé sans succès dans un tas de remembrement on se rend compte à 18 heures que nos animaux sont dans un autre tas à 200m- que la garenne est trop importante et avec des animaux qui risquent de sortir comme des renardeaux de plus de 2 mois et 1/2. Dans ce cas on met plusieurs chiens et on essaie d'attraper les fuyards à la main, ça ne fait pas très déterreur mais on peut y améliorer ses propres qualités de gardien de but et compter le nombre d'animaux qui peuvent échapper.).
Cas de figure classique, tout est nettoyé, les trous sont obstrués au fur et à mesure qu'ils sont découverts par un seau en plastique de 5 à 10 litres (le fond du seau tourné vers l'intérieur du trou). Cela nous permet de mieux localiser les emplacements des trous pendant le déroulement de la chasse et de les boucher provisoirement (il suffit de retirer le seau pour faire entrer ou sortir un chien). Ce procédé nous évite les fuites d'animaux comme les renards adultes qui profitent du relâchement d'un chien et de l'inattention des hommes pour se faire la belle.
Le moment est venu d'introduire les chiens. La logique de la chasse sous
terre veut que l'on ne mette qu'un seul chien au travail à la fois et c'est ce
que nous faisons le plus souvent, sauf quand nous avons affaire à des renardeaux
assez grands pour se déplacer rapidement dans la garenne, car nous préférons
dans ce cas les désorienter avec plusieurs chiens (2 parfois 3 habitués à
travailler ensemble) et les empêcher de se faufiler dans les trous de lapins
inaccessibles aux chiens.
En temps normal, un seul chien est mis, en principe à l'entrée qui parait la
plus fréquentée, en essayant de tenir compte également de sa position par
rapport au reste de la garenne. Il vaut mieux faire entrer le chien par un trou
du bas ainsi qu'à bon vent (oui même sous terre le vent a son importance: il n'y
a, par jour de vent, qu'à se mettre devant la gueule d'un trou que l'on dirait à
bon vent et sentir le courant d'air, et donc d'odeurs, qui en sort pour
comprendre qu'un chien mis à cette entrée aura connaissance d'un animal même
assez éloigné dans la garenne, alors que même chien mis à une autre gueule de
l'autre côté, c'est-à-dire vent dans le cul, ne sentira pas l'animal qui est à
un mètre de lui.).
Le plus souvent au début de l'attaque nous mettons un jeune chien qui si
tout se passe bien continuera sa chasse, quitte à le remplacer par un autre
jeune ou enfin un plus vieux qui inspectera au plus profond si rien n'a encore
été trouvé.
Le chien crie: suivant quel chien crie et sa façon de le faire, nous
essayons d'en déduire le type d'animal qui est en face (jeune ou adulte) ou
n'est pas encore en face (chien ne pouvant rejoindre un animal dans un trou trop
petit). Dans un premier temps il faut laisser l'action se stabiliser, car le
principe de la chasse sous terre étant de faire acculer un animal par un chien
avant de l'y rejoindre en creusant afin de le prendre soi-même, il arrive
souvent que la chasse se déplace plusieurs fois, notamment au blaireau, et
toujours en s'enfonçant. A ce moment-là il faut savoir imposer un silence
minimum pour pouvoir entendre la progression du chien car la chasse ira souvent
en devenant de moins en moins audible, puisqu'elle ira vers le fond de la
garenne. Un bon chien doit pouvoir maintenir son animal acculé et sans entrer
en contact direct, pendant des heures s'il le faut, le temps que les chasseurs
localisent le lieu exact et y parviennent en creusant.
Pour localiser, la tâche est plus ou moins difficile selon le type de terre
ou de roche qui entoure les lieux, car les sons résonnent différemment et
peuvent tromper une oreille mal avertie. Avant tout, je commence par écouter
par-dessus la garenne, debout, pour faire le tri entre les sons provenant des
trous ouverts et ceux qui parviennent directement à travers le sol, s'il y en a,
ces derniers me semblant tout aussi fiables, afin de choisir l'endroit où je
vais sonder. Nous avons des sondes assez fines et longues en inox qui nous
paraissent très serviables, sauf dans la roche, mais à utiliser avec prudence
car fragiles et à ne pas laisser entre les mains d'un non déterreur. En principe
au bout de 4 ou 5 coups de sonde, on a la galerie, ou une galerie voisine.
(J'utilise toujours la technique de l'écoute à la sonde à chaque coup de sonde,
surtout si je suis en dehors d'une galerie, car la différence des sons y est
bien plus significative que dans la galerie). Il faut toujours faire attention
en cas d'animaux adultes à ne pas sonder au-delà ni même au-dessus de l'animal
de chasse au risque de le faire charger le chien qui est en face et donc de
provoquer l'accrochage.
Quand le tête-à-tête est bien localisé il faut décider de la façon d'y parvenir en creusant une tranchée. Un novice aura tendance à ne faire qu'un trou qui au début ira vite mais le mettra mal à l'aise pour continuer par manque de place. Il faut donc faire une tranchée assez large mais surtout longue, car si elle doit descendre à 2m ou plus il faudra être dans le fond pour pouvoir continuer à creuser. C'est là que le courage et la forme physique ne doivent pas manquer ainsi que l'esprit d'équipe afin d'assurer les relais. Dès que l'on arrive à la fameuse galerie, il faut éviter de l'ouvrir tout de suite et si par mégarde un coup de pelle ou de pioche l'ouvre trop tôt, nous l'obstruons momentanément avec une pelle à plat pour dégager la terre plus à l'aise.
Quand la galerie est dégagée il faut observer, à la lampe torche, si on est bien là où l'on pensait, c'est-à-dire idéalement juste au chien. Parfois on constate qu'il y a encore à progresser latéralement (c'est là que l'on comprend la nécessité de faire une tranchée assez grande) soit parce que le sondage était un peu imprécis, soit parce que les animaux s'étaient déplacés. C'est d'ailleurs ce qui arrive souvent au blaireau dans certaines grandes terres (une surface de 50 à 60 m de long et 15 à 20 m de large truffée de galeries sur plusieurs étages) où il est très difficile d'acculer un adulte.
Si le chien est là avec l'animal chassé face à lui, condition idéale, il faut tout d'abord se méfier de provoquer l'accrochage en ouvrant trop vite vers l'animal, ce qui donne de l'assurance au chien, mais plutôt retenir ou enlever ce dernier pour faire la prise. Parfois on peut profiter de la situation de cet animal acculé pour voir la réaction et le comportement de jeunes chiens, en prenant garde de les empêcher d'aller au contact. Suivant le type, le gabarit de l'animal et la position dans laquelle il se trouve, on choisit la marche à suivre pour faire la prise. Si nous avons affaire à un jeune animal, blaireautin ou renardeau, il n'est pas toujours aisé d'éviter que le chien n'accroche en sentant la présence des chasseurs qui, parvenant tout auprès en piochant lui donnent de l'assurance.
Si toutefois on y parvient, il n'y a plus qu'à se saisir de l'animal à la main en se méfiant quand même des griffes et des dents pointues chez les jeunes animaux. Si nous sommes en présence d'un adulte, on essaiera au maximum de faire la prise à la main, quand cela est possible. Il peut arriver que l'urgence de la situation (accrochage avec le chien) ou bien l'impossibilité de faire autrement (animal faisant face dans un accul que l'on ne peut contourner à cause d'une racine ou d'un rocher) nous commandent d'agir avec les pinces. Il est vrai que l'on a la sécurité, à condition de n'agir qu'entre personnes habituées à manier ces outils quand même assez dangereux et demandant de la maîtrise dans les gestes pour ne pas blesser les hommes, les chiens, ni même l'animal (si on doit mettre fin à ses jours, ce n'est qu'une fois la prise faite). D'ailleurs c'est pour ces raisons que nous cherchons toujours à effectuer au maximum de prises de renards adultes à la main. Cela demande de l'adresse, du sang froid, de la maîtrise et une bonne coordination. Nous opérons le plus souvent à deux. Il s'agit de tenir le goupil par le cou.
Bien évidemment il n'est pas aisé d'y parvenir quand celui-ci est acculé dans le fond d'un trou. Par devant, on peut essayer de lui occuper la gueule en lui faisant mordre un manche ou lui maintenir la tête écartée avec un outil, mais on prend le risque que la bête relâche l'objet pour préférer la main. Le plus sage est de lui attraper la queue s'il la tient vers l'avant entre ses pattes comme il le fait souvent (il ne faut pas oublier que si l'on est parvenu à lui, c'est qu'il ne peut plus aller plus loin) ou bien de le contourner en creusant juste derrière lui, le devant de la galerie étant fermé par une fourche. Dès qu'on a sa queue, le simple fait de tirer dessus l'oblige à essayer d'aller dans l'autre sens en forçant sur ses quatre pattes. Il s'agit alors de dégager juste ce qu'il faut en largeur pour passer l'animal. Avant de le sortir il faut lui attraper la peau du cou en glissant l'autre main sur ses reins jusque derrière ses oreilles (ou bien comme certains, le tirer en resserrant son corps entre ses deux bottes jusqu'à son cou ce qui permet de le lui saisir juste au moment où il sort). Il est bien entendu qu'il est préférable de bien sentir où on met les mains et donc mieux vaut enlever les gants pour faire la prise. Une fois la main derrière le cou, notre renard ne peut plus bouger et a le même comportement qu'un jeune chiot ramené par la peau du cou entre les mâchoires de sa mère.
Cette façon de faire les prises peut paraître inutilement compliquée pour certains, mais c'est un des quelques piments que nous aimons à ajouter à notre plaisir de chasser. Il faut bien dire qu'en matière de chasse, la méthode la plus efficace n'est certainement pas la plus belle (sinon bientôt nous pourrions voir certains chasser le sanglier à coups de roquettes anti-chars.).
Une fois la prise effectuée il faut appliquer la décision qui a été prise au préalable quant au devenir des animaux chassés. En général nous ne nous posons la question qu'en chasse au blaireau (si le territoire est assez peu riche en animaux, nous gracions, sinon nous essayons de gérer suivant l'âge et le sexe, à moins bien sûr que le possesseur du territoire de chasse où nous opérons ne nous impose une autre décision). Si la décision de supprimer l'animal a été prise, il faut le faire rapidement, proprement (avec une dague ou bien en assommant l'animal), à l'écart des regards trop sensibles si certains enfants assistent à la chasse, mais de toute façon en évitant tout acharnement malsain contre la dépouille de cet animal qui doit être respectée (certaines personnes croient de bon ton de traiter un renard, surtout une fois mort, de tous les noms parce que concurrent dans ses prélèvements sur la population « gibier mangeable »). Pour le ragondin sa prolifération dans notre région nous impose de les supprimer. Le renard, chez nous n'a pas de souci à se faire car il a très bien su s'adapter au nouveau biotope après tous les remembrements, et nous devons donc supprimer les prises, même si parfois on peut nous surprendre à sourire quand un goupil adulte, et donc reproducteur, réussit à nous échapper pour assurer d'autres portées à déterrer pour l'année suivante.